Une récente décision de la Cour de cassation concernant l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes d'une SELARL versés à une holding a semé le trouble et même provoqué la colère chez de nombreux professionnels libéraux. Interrogé sur ce point précis, le ministre de l'Économie et des finances a apporté quelques éclaircissements sur la portée de l'arrêt et sur la position du gouvernement à son sujet. Pour lui, l'arrêt de la Cour de cassation n'est qu'un arrêt d'espèce, non de principe.
La question
Un député a alerté le ministre sur une décision de la Cour de cassation du 19 octobre 2023. L'affaire concernait un chirurgien-dentiste exerçant via une Société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL). Plutôt que de lui verser directement des dividendes, la SELARL les versait à une holding qui en détenait la majorité de ses parts, mais qui était elle-même détenue en totalité par le praticien et son conjoint. Le praticien ne percevait donc pas directement ces sommes, qui restaient dans la holding.
Cependant, dans le cadre d'un contrôle, la caisse de retraite du professionnel a exigé que ces dividendes, même s'ils n'ont pas été perçus directement par le praticien, soient inclus dans l'assiette de ses cotisations sociales personnelles et cette position aen outre été validée par Cour de cassation. Une décision qui, selon le député, pourrait mettre en péril le principe de la personnalité juridique des sociétés et fragiliser de nombreux professionnels. L'interposition d'une holding est en effet une pratique courante, permettant aux entrepreneurs de réinvestir des bénéfices sans avoir à les percevoir personnellement. Le député a donc demandé au ministre si les dividendes non perçus directement par un indépendant doivent être soumis à cotisations sociales.
La réponse du ministre : un arrêt d'espèce et non de principe
Le ministre a confirmé que la Cour de cassation a bien donné raison à la caisse de retraite, mais il a précisé que cette décision a une portée très limitée. L'arrêt ne remet pas en cause les règles générales régissant l'assiette des cotisations sociales. L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale continue de s'appliquer : les dividendes distribués aux travailleurs non-salariés sont réintégrés dans l'assiette des cotisations au-delà d'un certain seuil. Le ministre justifie cette réintégration par le fait qu'au-delà de ce seuil, les dividendes ne sont plus considérés comme une distribution de bénéfices, mais comme une rémunération d'activité déguisée.
La particularité de l'affaire réside dans la structure de détention du capital. Le chirurgien-dentiste était le seul professionnel en exercice au sein de la SELARL, et il détenait, avec son épouse, la totalité de la holding qui recevait les dividendes. En raison de cette configuration spécifique, la Cour de cassation a considéré que l'interposition de la holding avait pour but de contourner la législation sur la réintégration des dividendes dans l'assiette de cotisations.
En conclusion, le ministre a affirmé que cet arrêt n'est pas un arrêt de principe. Il ne remet pas en cause la distinction entre personnes morales et personnes physiques. La décision des juges est une réponse à une situation particulière de montage financier complexe visant à contourner la loi. En conséquence, l'État a rappelé aux organismes de recouvrement de cotisations que cette décision ne doit pas servir de base à une généralisation des contrôles.
Ndlr : Il n'en reste pas moins que dans tous les cas où un praticien exerçant en SELARL détiendra, directement ou indirectement, la majorité du capital de la holding (que celle-ci soit une SARL, une SAS ou une SASU), ses dividendes seront assujettis aux cotisations des indépendants.
Source : J.O. questions Sénat du 21 août 2025, Qu. n° 1461.