jeudi 4 septembre 2025

Aides à la presse : l'obligation d'employer des journalistes professionnels ou de recourir à des agences de presse devient prépondérante


Le décret n° 2025-883 du 2 septembre 2025 change la donne pour les entreprises de presse qui souhaitent bénéficier des tarifs postaux réduits et du taux de TVA à 2,1 %. Si l'ancienne loi permettait une certaine souplesse, la nouvelle impose une condition de principe beaucoup plus stricte : le caractère journalistique d'une publication ne sera désormais plus laissé à l'appréciation des cas. Il doit reposer sur des fondations solides.

Le nouveau critère de la Commission paritaire

Pour bénéficier des aides à la presse, une entreprise doit être reconnue comme "entreprise de presse" par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). A cet effet, la loi prévoyait jusqu'ici qu'elle devait normalement employer des journalistes professionnels (ou recourir à des agences de presse), mais tout en laissant à la la CPPAP la possibilité de juger de la qualité de la production éditoriale "en fonction de la taille de l'entreprise éditrice, de l'objet de la publication et de sa périodicité". Une entreprise pouvait donc la convaincre que son contenu était bien de nature journalistique, même si elle n'employait pas de journalistes professionnels.

Mais le nouveau décret paru ce 4 septembre 2025 pourrait bien changer la donne à ce sujet. De façon moins alambiquée que le précédent, il établit une règle de base claire et non négociable : "le caractère journalistique du traitement de l'information est réputé établi lorsqu'il est réalisé par des journalistes professionnels au sens de l'article L. 7111-3 du code du travail ou lorsqu'il est apporté par des agences de presse agréées".

Quant à l'examen au cas par cas, qui était le fondement de l'ancien système, il reste possible mais il est clairement relégué par le nouveau texte au rang d'exception. Cela signifie que les publications qui n'emploient pas de journalistes professionnels (en direct ou via une agence de presse), auront beaucoup plus de difficultés à obtenir le fameux sésame de la CPPAP. Le risque de refus sera beaucoup plus grand.

Qu'est-ce qu'un journaliste professionnel ? 

Selon l'article L.7111-3 du code du travail, est reconnue comme journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources.

Il n'est pas exigé que cette personne soit détentrice de la carte de presse mais son salaire de journaliste doit représenter au moins 50 % de ses revenus professionnels.

Cette personne peut être employée à temps plein ou à temps partiel, voir à "à l'article" auquel cas il s'agit d'un(e) pigiste, mais elle bénéficie dans tous les cas du régime des salariés. Un journaliste qui n'est pas salarié, comme un rédacteur en freelance par exemple, n'est pas un journaliste professionnel au sens du code du travail.

Enfin, il bénéficie de la convention collective des journalistes (IDCC 1480) et sa rémunération doit donc être au moins égale à celle prévue par celle-ci. 

Une épée de Damoclès pour les titres existants

Le décret ne s'applique pas qu'aux nouvelles demandes. Il contient un article qui pourrait avoir des conséquences drastiques pour des centaines de publications déjà agréées. Il prévoit en effet que la CPPAP peut désormais être saisie (ou s'auto-saisir) "sans délai" d'une demande de réexamen d'un titre déjà inscrit sur ses registres et ceci... même avant l'échéance normale de la durée de validité du certificat qui lui a été délivré (cette durée étant généralement de 5 ans).

Cela signifie que les publications qui ont bénéficié des aides grâce à la souplesse de l'ancienne loi, mais qui ne disposent pas de journalistes salariés ou d'un contrat avec une agence de presse agréée, devront se conformer aux nouvelles règles. Si elles ne peuvent pas prouver qu'elles respectent le nouveau critère, la CPPAP pourra leur retirer leur agrément, entraînant la perte immédiate des avantages financiers et fiscaux.

Rappelons que pour une publication non admise à la CPPAP, le taux de TVA passe à 20 % au lieu de 2,1 %. Ce changement pourrait fragiliser de nombreux médias indépendants, revues spécialisées ou journaux locaux qui, sans ces aides, pourraient se retrouver dans une situation financière intenable.

Loin donc d'être une simple mise à jour, ce décret est un virage réglementaire qui pourrait limiter l'accès aux aides à la presse aux acteurs les plus conventionnels et dotés de moyens financiers suffisants, au détriment de la diversité et de l'indépendance éditoriale.

Lien vers le texte officiel : Décret n° 2025-883 du 2 septembre 2025, J.O. du 4.