Deux décrets parus au Journal Officiel du 31 juillet 2025 marquent une étape majeure dans la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs du secteur des mines et carrières. Ces textes, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2026, modernisent et adaptent les dispositions du Code du travail spécifiquement pour ce milieu, souvent exigeant et à risques. Il abroge et remplace l'article 16 du Règlement Général des Industries Extractives (RGIE), marquant une nouvelle ère pour la prévention des risques professionnels.
Ces décrets s'adressent spécifiquement aux travailleurs et employeurs des entreprises et établissements relevant des mines, des carrières ou de leurs dépendances, ainsi qu'aux intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) exerçant en carrières.
Un Système de Prévention Renforcé et Professionnalisé
Le Décret n° 2025-727 pose les bases d'une organisation de la prévention plus robuste. Il exige des employeurs la mise en place de structures dédiées au conseil en sécurité et santé au travail.
Pour les exploitations minières et les grandes carrières, l'employeur devra créer une ou plusieurs structures fonctionnelles internes, sous son autorité et après consultation du comité social et économique (CSE). Ces structures devront être dotées des moyens matériels nécessaires et de salariés qualifiés en prévention des risques professionnels, conformément à l'article L. 4644-1 du Code du travail. Une disposition clé est l'affectation d'un salarié compétent au moins un jour par mois pour chaque tranche de dix salariés. Pour les exploitations employant plus de 200 salariés, un salarié compétent à temps plein sera exigé.
Dans les carrières, le décret offre une flexibilité intéressante : l'employeur pourra soit mettre en place une structure fonctionnelle interne, soit faire appel à un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) externe. Cette option est particulièrement pertinente pour les carrières sans salariés permanents, où l'exploitant devra recourir à un IPRP dès l'intervention d'une entreprise extérieure.
Missions Essentielles et Traçabilité Accrue
Les structures fonctionnelles et les IPRP externes auront un rôle primordial dans la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs. Leurs missions sont clairement définies et englobent :
Le conseil sur la conception et l'aménagement des lieux de travail, les dispositifs de sécurité, les programmes de vérification des équipements, et l'élaboration de mesures en cas d'incidents ou d'accidents.
L'assistance à l'évaluation des risques, à la définition et à la mise en œuvre des mesures de prévention, au suivi des vérifications, à l'information et à la formation des travailleurs, et à l'analyse des accidents et incidents.
Une attention particulière est portée à la traçabilité des actions de prévention. Tous les conseils délivrés devront être consignés et conservés pendant au moins dix ans. De plus, un registre des interventions de l'IPRP externe devra être tenu par l'employeur, accessible aux autorités de contrôle (inspection du travail, services de prévention des organismes de sécurité sociale, services de prévention et de santé au travail, CSE). Ce registre précisera la date, la durée et l'objet de chaque intervention, les conseils donnés et les suites qui leur ont été réservées. Ces informations seront ensuite utilisées pour élaborer les programmes annuels de prévention des risques.
Afin d'assurer une présence effective sur le terrain, l'IPRP externe devra consacrer annuellement sur site au moins deux heures par salarié (hors temps de déplacement), avec un minimum d'une heure par salarié. Pour les exploitations de plus de quatre salariés ou fonctionnant au moins quatre mois par an, au moins deux visites annuelles seront obligatoires. L'effectif moyen, incluant les entreprises extérieures, sera pris en compte pour ces calculs.
L'Enregistrement des IPRP : Gage de Compétence et de Qualité
Le Décret n° 2025-729 vient compléter ces dispositions en définissant les modalités d'enregistrement des intervenants en prévention des risques professionnels exerçant en carrières auprès de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Cet enregistrement est désormais obligatoire pour les IPRP externes, qu'ils soient des personnes physiques ou des personnes morales.
Pour être enregistré, un IPRP (personne physique) devra remplir plusieurs conditions :
Être titulaire d'un diplôme de niveau 5 minimum dans les domaines de la santé, de la sécurité ou de l'organisation du travail, ou justifier d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans dans la prévention des risques professionnels.
Détention du certificat d'aptitude à la prévention des risques professionnels en carrières, dont la validité est de cinq ans et qui est renouvelable après une formation spécifique dispensée par un organisme certifié. Un arrêté ministériel détaillera les modalités de cette formation, la qualification des formateurs, le contenu et la durée, ainsi que les conditions de contrôle des compétences et de délivrance du certificat.
Justifier d'au moins trente interventions sur site au cours des deux années précédant une demande de renouvellement de l'enregistrement.
Pour une personne morale souhaitant être enregistrée comme IPRP, au moins 25% de son effectif de salariés devront être formés et certifiés dans les conditions prévues. Le dossier de demande d'enregistrement, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, devra inclure les justificatifs de compétences, une déclaration d'intérêts et, pour les personnes physiques, un engagement à répondre aux demandes d'accompagnement des employeurs. Les personnes morales devront également fournir un schéma de leur organisation et les moyens dont elles disposent.
Mobilité Européenne et Rapports d'Activité
Le Décret n° 2025-729 prévoit également les conditions pour les professionnels de l'Union européenne souhaitant exercer en France. Ils pourront s'établir ou proposer des prestations temporaires, sous réserve de la reconnaissance de leurs qualifications par la DREETS, qui pourra imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude si des différences substantielles sont constatées.
Enfin, les IPRP enregistrés devront adresser un rapport d'activité annuel aux DREETS compétentes (ou aux DREAL pour les installations spécifiques), au plus tard le 31 mars de l'année suivant l'activité. Ce rapport permettra d'évaluer leur travail auprès des employeurs et exploitants, assurant un suivi continu des actions de prévention.
Période Transitoire et Contrôle
Les deux décrets prévoient une période transitoire jusqu'au 28 février 2026. Durant cette période, les employeurs pourront encore recourir à des organismes extérieurs de prévention agréés selon les anciennes dispositions du décret du 7 mai 1980. Les agréments en cours de validité à la date d'entrée en vigueur des nouveaux décrets resteront valables jusqu'à cette date.
Les employeurs devront informer l'inspection du travail de l'organisation de leur structure fonctionnelle ou des coordonnées de l'IPRP externe choisi, et signaler tout changement dans un délai d'un mois.
Textes officiels : Décrets n° 2025-727 et 2025-729 du 29 juillet 2025, J.O. du 31.