Le décret relatif à la déontologie et à la discipline des avocats, pris notamment pour l'application de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice du 20 novembre 2023, vient de paraître. Entre autres dispositions, ce décret autorise et explicite la mise en oeuvre de la nouvelle procédure disciplinaire simplifiée ainsi que le droit de se taire accordé aux avocats en matière disciplinaire.
Droit de se taire
Procédure disciplinaire simplifiée
Le bâtonnier de l'ordre peut décider de mettre en œuvre la procédure disciplinaire simplifiée, sauf lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l'avocat poursuivi a fait l'objet d'une peine d'interdiction temporaire d'exercice assortie en tout ou partie du sursis pour son exécution dans les cinq années qui précèdent.
Cette procédure disciplinaire simplifiée ne peut donner lieu qu'à un avertissement ou à un blâme, ainsi que, sur décision du bâtonnier, aux peines complémentaires suivantes :
- publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de sa décision, dans le respect de l'anonymat des tiers ;
- interdiction temporaire, et ce quel que soit le mode d'exercice, de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d'encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive une durée maximale de cinq ans.
- obligation de suivre une formation complémentaire en déontologie dans le cadre de la formation continue, ne pouvant excéder 20 heures sur une période de deux ans maximum à compter du caractère définitif de la sanction prononcée. Cette formation complémentaire s'ajoute à l'obligation de formation continue à laquelle sont soumis les avocats.
Déroulement de la procédure simplifiée
Après avoir convoqué l'avocat poursuivi pour l'entendre, assisté le cas échéant par son conseil, le bâtonnier de l'ordre lui propose l'une des sanctions indiquées au paragraphe précédent. Cette proposition de sanction contient l'indication détaillée des faits reprochés accompagnée des pièces et la motivation de la proposition de sanction.
L'avocat poursuivi dispose alors d'un délai de 15 jours pour, soit reconnaître les faits qui lui sont reprochés et accepter la proposition de sanction, soit refuser cette proposition par tout moyen conférant date certaine à sa réception. L'absence de réponse dans ce délai vaut refus de la proposition de sanction.
Acceptation de la sanction
En cas d'acceptation de la sanctioin, le bâtonnier saisit dans le délai de 15 jours la juridiction disciplinaire aux fins d'homologation. Il lui transmet une copie du dossier contenant la notification de la proposition de sanction ainsi que son acceptation par l'avocat poursuivi.
La juridiction disciplinaire statue alors dans les meilleurs délais, le cas échéant en formation restreinte, pour homologuer ou refuser d'homologuer la proposition de sanction. La décision d'homologuer la proposition de sanction est motivée par les constatations, d'une part, que l'avocat poursuivi reconnaît les faits qui lui sont reprochés et accepte la proposition de sanction et, d'autre part, que les sanctions proposées sont justifiées au regard des circonstances des faits et du comportement de leur auteur.
Néanmoins, outre les cas dans lesquels les conditions prévues à la phrase précédente ne sont pas remplies, la juridiction disciplinaire peut refuser d'homologuer au motif que la nature des faits, le comportement de l'avocat poursuivi, le cas échéant la situation de l'avocat auteur de la réclamation ou les intérêts de la profession justifient une procédure disciplinaire ordinaire. La juridiction notifie sa décision ainsi que les pièces du dossier, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, à l'avocat poursuivi, au bâtonnier, au procureur général et, le cas échéant, à l'avocat auteur de la réclamation.
L'avocat poursuivi dispose dès lors d'un délai de 15 jours pour former un recours à l'encontre de la décision d'homologation.
Le procureur général dispose lui aussi d'un délai de 15 jours pour s'opposer à la décision d'homologation. L'opposition est notifiée à la juridiction disciplinaire par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copie de cette opposition est adressée au bâtonnier, à l'avocat poursuivi et, le cas échéant, à l'avocat auteur de la réclamation. En cas d'opposition, la décision d'homologation est non avenue.
En l'absence d'opposition du procureur général et de recours de l'avocat poursuivi, la décision devient définitive. La juridiction disciplinaire en informe l'avocat poursuivi, le bâtonnier et, le cas échéant, l'avocat auteur de la réclamation. La décision est versée au dossier personnel de l'avocat poursuivi tenu par l'ordre dont il relève.
Refus de la sanction
En cas de refus par l'avocat de la proposition de sanction, le bâtonnier peut poursuivre la procédure simplifiée. Dans ce cas, il convoque à nouveau l'avocat poursuivi, assisté le cas échéant par son conseil, lui transmet la copie du dossier disciplinaire constitué avant la proposition de sanction et procède à son audition.
Le bâtonnier transmet le dossier et le procès-verbal d'audition de l'avocat poursuivi au président de la juridiction disciplinaire, et, à Paris, au bâtonnier doyen, membre du conseil de l'ordre, ou, s'il est empêché, au plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l'ordre.
La proposition de sanction et les éventuelles observations de l'avocat poursuivi sur celle-ci ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure.
L'avocat poursuivi est convoqué par la juridiction disciplinaire. Les pièces transmises à celle-ci sont jointes à la convocation. La convocation et l'ensemble des pièces qui y sont annexées sont adressées au procureur général.
La juridiction disciplinaire statue le cas échéant en formation restreinte. La décision jugeant n'y avoir lieu à procédure simplifiée n'est susceptible d'aucun recours.
Echec de la procédure disciplinaire simplifiée
En cas d'échec de la procédure disciplinaire simplifiée, sauf si la juridiction disciplinaire a jugé que les faits reprochés à l'avocat poursuivi ne justifient pas une sanction, le bâtonnier, le procureur général ou, le cas échéant, l'avocat auteur de la réclamation peuvent engager la procédure disciplinaire ordinaire.
Dans ce cas, la proposition de sanction, les éventuelles observations de l'avocat poursuivi sur celle-ci, les déclarations de l'avocat poursuivi et les documents produits après l'audition de l'avocat poursuivi dans le cadre de la procédure simplifiée ne peuvent être ni produits ni invoqués dans cette procédure disciplinaire ordinaire.
Autres mesures
Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat est modifié afin d'intégrer :
- la création d'un conseil de discipline commun dans le ressort des cours d'appel de Cayenne, de Fort-de-France et de Basse-Terre ;
- le recours à la visioconférence pour le conseil de discipline commun mais également pour les représentants du conseil de l'ordre de Mayotte siégeant au conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
- la possibilité pour le conseil de l'ordre de désigner plusieurs rapporteurs, membres ou anciens membres en activité pour procéder à l'instruction contradictoire de l'affaire et enfin l'instauration d'une procédure disciplinaire simplifiée.
Par ailleurs, il apporte les modifications suivantes au code de déontologie des avocats :
- l'autotisation de contrevenir au secret professionnel, dont bénéficient les avocats afin d'assurer leur propre défense devant toute juridiction, est étendue dans le cadre d'un mode amiable de résolution des différends ou d'un processus collaboratif ou transactionnel ;
- lorsqu'un avocat est investi d'un mandat de conseiller régional ou de membre de l'assemblée de Corse, d'un mandat de conseiller départemental, ou lorsqu'il remplit les fonctions de maire, adjoint au maire, conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille, l'interdiction qui lui est faite d'accomplir, pendant la durée de son mandat, aucun acte de sa profession, directement ou indirectement, contre la région ou la collectivité territoriale, les départements et communes qui en font partie, est élargie aux établissements publics en relevant "et à ceux auxquels participent ces collectivités territoriales".
Source : Décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025, J.O. du 30.