De ce fait, l'effet rétroactif de l'annulation ultérieure d'un règlement d'urbanisme est sans incidence sur cette appréciation.
L'affaire
Un géomètre-expert a reçu pour mission le dépôt d'une demande de permis
d'aménager un lotissement et la maîtrise d'oeuvre des VRD jusqu'à la
réception des ouvrages. Le contrat prévoyait que les esquisses de
faisabilité devaient épuiser au maximum les dispositions d'urbanisme
applicables à chacune des parcelles créées.
Suite à cela, une autorisation
d'aménager a été délivrée le 12 mars 2007 pour six lots avec une surface
d'emprise au sol de 80 mètres carrés chacune. Des travaux de
viabilité ont été exécutés sous la maîtrise d'oeuvre du géomètre-expert et sa cliente, Mme [T], a confié la commercialisation des lots à plusieurs agences
immobilières.
Mais se plaignant, notamment, de ce qu'elle ne
parvenait pas à vendre les lots en raison d'une erreur du maître
d'oeuvre dans le calcul de l'emprise au sol maximale des constructions, la cliente a résilié le contrat et a obtenu, par l'intermédiaire d'un
autre géomètre-expert, un permis d'aménager modificatif avec des
surfaces d'emprise au sol augmentées.
Le premier géomètre-expert assigne alors sa cliente en paiement de ses honoraires.
et celle-ci sollicite reconventionnellement la réparation de son préjudice résultant du retard de commercialisation.
Mais en définitive, c'est lui qui est condamné à verser une somme de 50.000 € à sa cliente, en réparation du préjudice subi par celle-ci résultat du retard de commercialisation des lots.
Le géomètre-expert se pourvoit alors en cassation en faisant valoir les deux arguments suivants :
- 1°) alors qu'il résulte de l'article L. 21-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable, que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan d'occupation des sols a pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur ; que pour retenir l'existence d'une faute du géomètre, la cour d'appel a dit qu'il n'avait pas fait application de l'article UC9 du POS en vigueur au moment de la demande de permis de lotir selon lequel le CES (Coefficient maximal d'emprise au sol) devait être calculé sur la surface de chaque lot et non sur la surface totale ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'article UC9 du POS avait été modifié à la suite d'une délibération du conseil municipal du 10 novembre 2006, laquelle avait été annulée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 novembre 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable, ensemble l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
- 2°) alors qu'il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal ; que la cour d'appel énonce qu'en accordant le 30 septembre 2010 à Mme [T] un permis modificatif portant sur un nouveau tableau de répartition de l'emprise au sol disponible maximale sur chaque lot, la commune de Saint-Cast-le-Guildo n'avait pas pris de décision illégale ; qu'en statuant ainsi quand l'autorisation du 30 septembre 2010 était fondée sur le POS modifié, annulé par le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 novembre 2010, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa version applicable, ensemble l'article 1103 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Réponse de la Cour de cassation
Selon les juges de la cour suprême, la faute d'un géomètre-expert s'appréciant à la date de l'exécution de
sa mission, l'effet rétroactif de l'annulation ultérieure d'un règlement
d'urbanisme est sans incidence sur cette appréciation.
Par
ailleurs, le principe selon lequel il incombe à l'autorité
administrative de ne pas appliquer un règlement illégal ne permet pas au
professionnel, chargé contractuellement d'établir un projet exploitant
au maximum les possibilités offertes par les règles locales d'urbanisme,
de se fonder, sans l'accord de son cocontractant, sur d'autres règles
que celles en vigueur au moment de l'exécution du contrat.
La cour d'appel a constaté que le géomètre s'était engagé à concevoir un
projet qui « épuise au maximum les dispositions d'urbanisme applicables à
chacune des parcelles créées ».
Elle a retenu que la
demande d'autorisation établie par le géomètre-expert n'était pas
conforme à cette obligation car, à la date à laquelle elle avait été
déposée, le plan d'occupation des sols (POS) de la commune permettait de
calculer le coefficient d'emprise au sol des constructions sur la
surface de chaque lot plutôt que sur la totalité de la surface à lotir.
Malgré l'annulation ultérieure de la modification du POS qui
permettait ce calcul, elle a pu en déduire que le géomètre-expert, qui n'avait pas
tenu compte de la règle en vigueur à la date du dépôt du permis
d'aménager, avait manqué à ses obligations contractuelles.
Ses arguments n'étaient donc pas recevables.