Le Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, portant réforme de l'instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends, marque une évolution profonde de la procédure civile. Il consacre une approche nouvelle, où la résolution amiable des litiges n'est plus une simple alternative, mais une composante centrale du procès civil.
1. L'instruction conventionnelle : Principe et Responsabilité des Avocats
L'un des apports majeurs du décret est l'élévation de l'instruction conventionnelle au rang de principe. L'instruction des affaires civiles est désormais confiée en priorité aux parties et à leurs avocats. La mise en état par le juge devient une exception, réservée aux cas où les parties ne parviennent pas à organiser elles-mêmes leur dossier.
Rôle accru de l'avocat : Le décret confère aux avocats une place stratégique. Ils sont désormais les architectes de la procédure, responsables de la bonne conduite de l'instruction. Ils doivent s'assurer de la communication des pièces, de la conclusion des accords de procédure, et de l'organisation des échanges entre les parties.
Encadrement et simplification : Pour accompagner ce changement, le décret instaure un mécanisme d'instruction conventionnelle simplifiée et une procédure participative aux fins de mise en état (CPPME). Il harmonise également les dispositions relatives aux MARD au sein d'un titre unique du Code de procédure civile, facilitant leur mobilisation.
2. Le juge : Un "orienteur" et un "garant" des MARD
Le décret transforme le rôle du juge, qui passe d'un directeur de l'instruction à un "orienteur" vers les modes amiables.
Une incitation forte : Le juge a désormais pour mission de tenter de concilier les parties, mais aussi de les orienter vers le MARD le plus approprié (médiation, conciliation, procédure participative). Une amende civile peut être prononcée si une partie refuse de se présenter à une rencontre ordonnée par le juge avec un médiateur.
Protection et efficacité : Le texte protège également le processus amiable en prévoyant l'interruption du délai de péremption de l'instance lorsque les parties s'engagent dans une conciliation ou une médiation. L'objectif est de leur permettre de négocier sereinement sans craindre la caducité de la procédure.
3. Recodification des MARD et innovations procédurales
Le décret n° 2025-660 procède à une réorganisation complète du Livre V du Code de procédure civile, qui regroupe désormais l'ensemble des règles relatives aux modes amiables.
Clarification et harmonisation : L'ensemble des dispositions relatives à la conciliation, à la médiation et à la procédure participative sont regroupées pour une meilleure lisibilité.
Nouvelles dispositions : Le décret introduit également des innovations, comme la possibilité pour l'expert judiciaire de concilier les parties, ou la mise en place d'un "juge d'appui" en cas de difficulté liée aux expertises.
En somme, ce décret consolide la place des modes amiables de résolution des différends en tant que pierre angulaire du système judiciaire. Pour les professionnels du droit, il s'agit d'une incitation à maîtriser non seulement le contentieux, mais aussi les mécanismes de négociation et de médiation, qui sont désormais au cœur de la procédure civile.
Qu'en est-il pour le divorce et les autres procédures familiales
Le décret n° 2025-660 donne également un rôle central à la médiation dans les affaires familiales. Bien que la médiation reste en principe volontaire, le juge peut désormais enjoindre de manière plus ferme les parties à y recourir.
Audience de règlement amiable : Le juge aux affaires familiales (JAF), comme tout juge civil, pourra désormais orienter les parties vers une audience de règlement amiable, menée par un juge qui ne tranchera pas le litige sur le fond.
Rencontre obligatoire : Dans le cadre des procédures de divorce et de séparation, le juge peut ordonner une injonction de rencontrer un médiateur. Un refus sans motif légitime pourra entraîner une amende civile, renforçant ainsi la contrainte.
Protection de la procédure en cours : L'engagement dans une médiation familiale suspend les délais de péremption de l'instance, permettant aux époux de négocier sereinement sans craindre que leur action ne devienne caduque.
5. Simplification et sécurisation de la procédure de divorce par consentement mutuel
Le décret rationalise les procédures existantes, notamment le divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par avocats.
Force exécutoire de l'accord : L'accord issu d'une médiation ou d'une procédure participative peut désormais être directement doté de la force exécutoire par un simple dépôt auprès du greffe, ce qui sécurise juridiquement la solution trouvée par les parties sans qu'une homologation judiciaire ne soit toujours nécessaire.
Formalisation des accords : Le texte facilite et encadre la rédaction des accords, ce qui est particulièrement pertinent pour les avocats rédigeant les conventions de divorce. Il s'agit de s'assurer que les accords amiables respectent l'ordre public et l'intérêt de l'enfant.
6. Autres procédures familiales
Le renforcement des MARD ne s'applique pas qu'au divorce, mais à l'ensemble du contentieux familial, y compris les litiges relatifs à l'exercice de l'autorité parentale, à la résidence des enfants, ou aux pensions alimentaires.
En résumé, le décret n° 2025-660 est une véritable "révolution culturelle" pour le droit de la famille. Il incite fortement les avocats et les justiciables à explorer et à privilégier la voie amiable, faisant de la négociation et de la médiation des outils incontournables pour résoudre les litiges familiaux.
7. Entrée en vigueur
Ce décret entre en vigueur le 1er septembre 2025 et il est applicable aux instances en cours à cette date.
Toutefois, par dérogation à cette disposition, les dispositions relatives à l'instruction conventionnelle ne s'appliquent qu'aux instances introduites à compter de cette
date.
Lien vers le texte officiel : Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, J.O. du 19.