samedi 4 mai 2024

Professions libérales : nouvelles précisions sur le régime fiscal applicable aux associés de sociétés d'exercice libéral (SELARL, SELAS, SELAFA)


Après un premier rescrit publié en décembre 2023, l'Administration fiscale vient d'apporter de nouvelles précisions sur le nouveau régime fiscal des associés de SEL applicable à partir de cette année 2024, que ce soit au niveau de d'impôt sur le revenu, de la TVA ou de la CFE, ou encore en matière d'épargne salariale.

Impôt sur le revenu des associés des SEL

Selon l'ancienne doctrine administrative, qui était en vigueur depuis 1996, il était admis que les rémunérations perçues par les associés des sociétés d'exercice libéral (SEL), en contrepartie de l’exercice de leur activité libérale au sein de cette société, soient imposables dans la catégorie des traitements et salaires.

Mais pour celles perçues à partir du 1er janvier 2024, ce n'est plus le cas.

Désormais, la nouvelle règle est que les rémunérations perçues par les associés d’une SEL, au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société, sont systématiquement imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Ce n'est que par exception, et à condition d'être en mesure de démontrer que l'activité est exercée dans des conditions traduisant l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société, que les rémunérations correspondantes pourraient encore être imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

Sous réserve du cas particulier des Gérant(e)s majoritaires de SELARL, ces nouvelles dispositions s'appliquent aux rémunérations des associés (dirigeants ou non) de SELAFA, SELAS, SELARL et de SELCA.

Toutefois, pour l’imposition des revenus de l’année 2023, les associés de SEL peuvent se prévaloir de la doctrine précédente pour justifier l’imposition des rémunérations qu’ils perçoivent à raison de l’exercice de leur activité libérale dans ces sociétés dans la catégorie des traitements et salaires ou, pour ce qui concerne les gérants majoritaires de SELARL et les associés gérants de SELCA, dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI.

Cas particulier des Gérant(e)s majoritaires de SELARL

La nouvelle règle ci-dessus s’applique également aux rémunérations allouées aux gérants majoritaires de SELARL (ainsi qu'aux gérants de SELCA) à raison de l’exercice de leur activité libérale au sein de la société, lorsqu’elles peuvent être distinguées des rémunérations qu’ils perçoivent au titre de leurs fonctions de gérant.

En d'autres termes, la rémunération correspondant à l'exercice de la profession libérale est imposable dans la catégorie des BNC, tandis que la rémunération des fonctions de Gérant(e) est imposable selon les dispositions de l'article 62 du CGI.

À cet égard, l'Administration précise que les rémunérations perçues au titre de la fonction de gérant sont celles allouées à raison des tâches qui ne sont pas réalisées dans le cadre de l’activité libérale (par exemple : convocation d’assemblée, représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers, décision de déplacement du siège social de la société, etc.). A contrario, en sont exclues les tâches de nature administrative qui sont inhérentes à la pratique de l’activité libérale telles que la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription.

Lorsque les rémunérations qui sont allouées à raison de l’exercice d’une activité libérale ne peuvent pas être distinguées de celles perçues au titre des fonctions de gérant, elles sont imposées dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI. Mais dans ce cas, l’associé doit être en mesure de fournir, par tout moyen, l’ensemble des éléments de preuve permettant de justifier de cette impossibilité.

Attention : il est précisé à cet égard que l’absence de documents statutaires ou comptables tels que ceux fixant la rémunération accordée par la société au titre des fonctions de gérant ou mesurant le temps passé à l’exercice de ces fonctions n’est pas à elle seule de nature à caractériser une impossibilité de distinguer les rémunérations allouées au titre des fonctions de gérant de celles perçues au titre de l’exercice de l’activité libérale, et ne saurait par conséquent emporter l’imposition de la totalité des rémunérations selon les règles prévues à l’article 62 du CGI.

Si en revanche il est impossible d'apporter ces éléments de preuve permettant de justifier de l'impossibilité de distinguer les deux rémunérations, l'Administration admet, à titre de règle pratique, que 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL au titre de leurs activités libérale et de gérance correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables dans les conditions de l’article 62 du CGI (les 95 % restant étant donc imposables dans la catégorie des BNC).

Charges déductibles par les associés de SEL

Aux termes de l’article 93 du CGI, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession.

Les rémunérations des associés de SEL étant imposées dans la catégorie des BNC, les charges déductibles sont celles admises dans les conditions de droit commun.

Concernant les frais déductibles par les titulaires de BNC, la doctrine administrative (BOI-BNC-BASE-40) dresse une liste de dépenses à laquelle les associés des SEL peuvent se reporter, sous réserve que ces dépenses soient engagées à raison de l’exercice de leurs fonctions techniques dont les revenus sont imposés dans la catégorie des BNC. Concernant notamment les frais de transport entre le domicile et le lieu de travail, ces frais sont, en règle générale, inhérents à leur fonction et doivent, par suite, être admis en déduction.

Il appartient toutefois aux associés concernés de s’assurer que les dépenses sont bien exposées à raison de leurs fonctions techniques et ne sont pas des charges qui devraient être supportées par la SEL dans le cadre de son exploitation. À cet égard, il est rappelé que l’activité libérale développée dans le cadre d’une SEL est réputée exercée par cette dernière auprès des clients. Il en résulte que les frais exposés en lien avec la clientèle sont en principe déductibles du résultat de la SEL.

Déduction des cotisations dites « Madelin »

Les cotisations versées au titre d'un contrat « Madelin » sont déductibles des bénéfices déclarés au titre de l’activité libérale des associés en SEL, dès lors que leur rémunération est déclarée dans la catégorie des BNC.

Les associés de SEL qui ont, jusqu’au 31 décembre 2023, fait application de la doctrine administrative (RM Cousin n° 39397, JO AN du 16 septembre 1996, p. 4930) permettant l’imposition de leurs revenus en traitements et salaires, n’étaient donc de ce fait pas en mesure de déduire de leur base d’imposition les cotisations liées aux régimes de prévoyance collectifs « Madelin ». En effet, ni la lettre de la loi ni son interprétation par la jurisprudence ne permettent la déduction des cotisations « Madelin » de revenus déclarés dans la catégorie des traitements et salaires.

Déduction des cotisations personnelles payées par sa société

Dans le cas où les primes afférentes à un contrat « Madelin » ou à un plan d’épargne retraite sont directement versées par la SEL, elles constituent un élément de la rémunération totale octroyée à l’associé de SEL dans le cadre de ses fonctions techniques. Dans cette situation, les cotisations concernées sont par principe déductibles du résultat de la SEL. Leur prise en charge par cette dernière, au nom et pour le compte de l’associé, constitue par ailleurs pour ce dernier une recette accessoire ayant un lien direct avec l’exercice de sa profession et de l’activité libérale exercée, venant majorer, pour le même montant, son résultat imposable dans la catégorie des BNC.

Par ailleurs, en application de l’article 154 bis du CGI, l’associé de la SEL, imposable dans la catégorie des BNC au titre de ses rémunérations techniques, peut procéder à la déduction de ces cotisations dans les conditions et limites posées par les dispositions de cet article.

Ces principes sont transposables, dans les mêmes conditions, à l’ensemble des cotisations professionnelles (cotisations ordinales par exemple) acquittées par la SEL au nom et pour le compte de ses associés.

Déduction des autres cotisations obligatoires et facultatives

Concernant les autres cotisations, la doctrine (BOI-BNC-BASE-40-60-50-20) rappelle que, dans son principe, l'article 154 bis du CGI autorise la déduction sans limite des cotisations obligatoires d'assurance maladie et de maternité ainsi que les cotisations d'allocations familiales et d'invalidité-décès.

À cet égard, et dans le cadre des rémunérations techniques perçues par les associés de SEL et assujetties à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BNC, les cotisations dues au titre des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse par les exploitants individuels et les associés de sociétés de personnes en tant que travailleurs non-salariés non-agricoles sont déductibles sans limitation pour la détermination des bénéfices imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

En revanche, les cotisations acquittées au titre des régimes facultatifs d’assurance vieillesse, de prévoyance ou perte d’emploi dans le cadre des contrats « Madelin » ou de régimes facultatifs de sécurité sociale sont soumises au plafonnement prévu à l’article 154 bis du CGI.

Honoraires rétrocédés directement par une SEL aux associés d’une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), au titre de leur activité professionnelle au sein de cette SEL

Les bénéfices réalisés par des professions libérales, qui exercent leur activité à titre individuel ou dans le cadre d’une société de personnes relevant de l'IR, sont imposés dans la catégorie des BNC en application du 1 de l’article 92 du CGI.

Lorsque l’activité est exercée dans le cadre d’une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés (IS), les rémunérations perçues au titre de l’exercice d’une activité libérale dans la société dont les professionnels sont associés sont imposables dans la catégorie des BNC, sauf lorsque ces revenus sont imposés comme des traitements et salaires, soit du fait de l’existence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination, soit en raison de l’application de l’article 62 du CGI pour la part correspondant aux fonctions de gérant.

Lorsque la SEL verse directement une rémunération à l’associé d’une SPFPL, au titre de son activité professionnelle au sein de cette SEL, cette rémunération relève de la catégorie des BNC, qui est applicable aux bénéfices tirés d’une activité libérale conformément à l’article 92 du CGI en l’absence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination.

Option des entrepreneurs individuels pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)

L’article 1655 sexies du CGI prévoit que les entrepreneurs individuels relevant de l'IR peuvent opter pour leur assimilation à une EURL. Sous réserve d’une renonciation expresse, cette option emporte également assujettissement à l’IS.

L’article L. 526-22 du code de commerce précise que l’entrepreneur individuel pouvant exercer cette option est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes.

Ce statut s'applique ainsi, notamment, aux membres des professions libérales réglementées exerçant en nom propre.

En revanche, le professionnel associé d'une société exerçant une activité libérale réglementée n'agit pas en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société (Cass. com., arrêt du 23 mars 2010, n° 09-10.791).

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’associé d’une SEL accomplit ses actes professionnels au nom et pour le compte de la société (Cass. civ., arrêt du 9 février 2010, n° 08-15.191).

De plus, lorsqu’un professionnel devient associé d’une SEL, il apporte sa clientèle ou sa patientèle sous la forme d’un fonds d’exercice libéral.

Par conséquent, le professionnel associé d'une SEL n’est pas réputé exercer son activité en son nom propre et ne répond donc pas à la définition d’entrepreneur individuel.

Dès lors, l’associé d’une SEL ne peut pas exercer l’option prévue à l’article 1655 sexies du CGI et ce, qu’il en soit directement l’associé ou qu’il détienne indirectement les titres de la SEL par l’intermédiaire d’une SPFPL.

Traitement fiscal des parts ou actions détenues par les associés d'une SEL

Concernant la nécessité d’inscrire ou non les parts ou actions détenues par l’associé d’une SEL à son actif immobilisé et, par suite, de l’éventuelle possibilité pour ce dernier de déduire de son revenu imposable les intérêts de l’emprunt contracté pour les acquérir, il convient de rappeler que, conformément au I-A-2 § 110 et 170 du BOI-BNC-BASE-10-20, les éléments non affectés par nature à l'exercice d'une profession non commerciale sont une catégorie d'éléments que le contribuable peut volontairement inscrire sur son registre des immobilisations. Sont visés les éléments utilisés dans le cadre de la profession, à l'exclusion de tout élément n'ayant aucun lien direct avec l'exercice de l'activité.

À titre d’exemple, constituent des éléments non affectés par nature les parts ou actions de sociétés exploitant une clinique dans le cadre de laquelle le contribuable exerce son activité libérale lorsque leur détention, sans être imposée par les statuts ou par le règlement intérieur, présente un intérêt pour l'exercice de la profession.

En cohérence avec cette précision doctrinale, l’associé d’une SEL relevant de l’impôt sur les sociétés peut inscrire à son actif immobilisé les parts ou actions de la SEL dans laquelle il exerce son activité professionnelle.

Ainsi, les intérêts de l’emprunt contracté pour les acquérir seront déductibles du revenu imposable du détenteur des parts ou actions dans les conditions de droit commun.

Ouverture du régime micro-BNC aux associés de SEL

Dès lors qu'à compter de l'imposition des revenus de l'année 2024, les rémunérations des associés de SEL perçues au titre de leur activité libérale sont imposées dans la catégorie des BNC, ils peuvent bénéficier du régime micro-BNC sous les mêmes conditions que les professionnels qui exercent en nom propre.

Mais pour cela, le montant HT de leurs recettes perçues au cours de 2023 et/ou de 2022, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année de référence, et qui auraient été déclarées dans la catégorie des BNC si elles avaient été perçues à compter de 2024, ne doit pas excéder 77.700 €.

Attention : pour l'appréciation de ce seuil de 77.700 €, il convient de retenir non seulement la rémunération versée par la SEL, mais également, le cas échéant, les dépenses professionnelles de l'associé acquittées en son nom et pour son compte par la SEL.

TVA et CFE

Dès lors qu'ils exercent leur profession au sein d'une société d'exercice libéral (et non pas en nom propre), le fait que les associés soient imposables dans la catégorie des BNC au titre de leur activité, au même titre que les professionnels qui exercent en nom propre, ne les rend pas passibles de la TVA ou de la CFE à titre personnel.

Toutefois, les associés d’une SEL seraient susceptibles d’être assujettis redevables de la CFE en leur nom propre s’ils exerçaient une activité professionnelle propre non salariée. L'existence d'une activité propre peut être établie par un faisceau d'indices attestant une absence de lien de subordination avec la SEL, l'existence de moyens propres ou encore d'une clientèle ou patientèle distincte. L’exercice, par un associé, d’une activité professionnelle propre donne donc lieu à une imposition distincte.

Eligibilité des associés de SEL aux dispositifs d’épargne salariale

Selon la loi, la possibilité de bénéficier d'un dispositif d'épargne salariale (PEE/PEI, PER collectif) n'est ouverte qu'aux personnes suivantes :

  • aux salariés exerçant dans le cadre d'un contrat de travail et avec un lien de subordination ;
  • et, sous réserve qu'ils emploient au moins 1 salarié et moins de 250, aux chefs d'entreprises ainsi qu'à leur conjoint ou partenaire de PACS, si celui-ci est déclaré au RCS comme conjoint collaborateur ou conjoint associé.

Il résulte de ceci que les associés non dirigeants de SELARL qui ne bénéficient pas d'un contrat de travail reconnu comme tel, ne peuvent pas bénéficier des dispositifs d'épargne salariale.

Seuls l'associé qui a le statut de PDG, Gérant ou membre du directoire de la société, peut éventuellement en bénéficier, sous réserve que sa société emploie au moins 1 salarié (en dehors de lui-même) et moins de 250.

Source : Rescrit BOI-RES-BNC-000136 du 24/04/2024.

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