mardi 10 septembre 2024

Défiscalisation : des précisions sur le nouveau délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale

La loi de finances pour 2024 a institué un nouveau délit qui a pour objectif de sanctionner les intermédiaires qui facilitent la fraude fiscale de leurs clients en mettant à leur disposition des schémas ou dispositifs fiscaux frauduleux. L'Administration vient de commenter ces nouvelles dispositions.

Caractéristiques du délit

Ce délit consiste en la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, de l'un des moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers énumérés ci-après, dans le but de permettre intentionnellement, à un ou plusieurs tiers, de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts mentionnés au code général des impôts.

Ces moyens, services, actes ou instruments, qui sont limitativement énumérés, sont les suivants :

  • l'ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d'organismes établis à l'étranger ;
  • l'interposition de personnes physiques ou morales ou d'organismes, de fiducies ou d'institutions comparables établis à l'étranger ;
  • la fourniture d'une fausse identité ou de faux documents, au sens de l’article 441-1 du code pénal (C. pén.), ou de toute autre falsification ;
  • la mise à disposition ou la justification d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;
  • mais aussi... la réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l'administration.

Cette mise à disposition peut s’effectuer aussi bien à titre gratuit - par exemple un service au sein d’une entité qui élabore tel ou tel montage au profit de cette entité ou d’une entité liée, sans contrepartie financière -, qu'à titre onéreux, la contrepartie financière pouvant dans ce cas être fixe ou proportionnelle, par exemple, à l’impôt qu’elle permettrait de frauder.

Personnes visées

Sont notamment visés par cette nouvelle loi :

  • les intermédiaires qui proposent :
    • des schémas de fausse domiciliation fiscale à l’étranger ;
    • des montages visant à majorer indûment les charges ou éluder tout ou partie des recettes d’une entreprise ;
    • la confection de dossiers de crédits d’impôt fictifs,
    • ou encore des schémas de fraude à la défiscalisation outre-mer ;
  • les personnes qui créent, à titre individuel des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier de restitutions d’impôt sur le revenu, en contrepartie d’une rémunération.

Ces personnes peuvent être :

  • des personnes physiques ;

Exemple : Usagers créant des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier frauduleusement de restitutions d’impôt sur le revenu sous réserve que l’abonné leur transmette ses identifiants et mot de passe sur www.impots.gouv.fr accompagnés d’un RIB et d’un justificatif d’identité. En contrepartie le détenteur du compte privé bénéficie d’une rémunération proportionnelle à la restitution d’impôt sur le revenu obtenue par l’usager.

  • des personnes morales, qui peuvent être, notamment, des cabinets de conseil ou des structures commercialisant des montages de défiscalisation.

Exemple : Mise en place par une officine de conseil en défiscalisation et son principal dirigeant, avec la complicité d’une banque établie hors de France, d’une offre de services dont ils assuraient la promotion commerciale, y compris sur Internet, consistant en la création de structures à l’étranger chargées, soit d’émettre des factures fictives à destination de sociétés françaises pour leur permettre de diminuer leur résultat fiscal et transférer les fonds correspondant à l’étranger, soit de facturer en lieu et place des sociétés françaises des prestations à leurs clients, permettant aux entreprises françaises de diminuer leur chiffre d’affaires et à leurs dirigeants de l’appréhender frauduleusement hors de France.

Pouvoirs de l'Administration

Seul le ministère public a qualité pour engager l’action publique relative au délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale. Mais contrairement au délit de fraude fiscale poursuivi selon des règles pénales spéciales, les poursuites peuvent être engagées sans action préalable de l’administration fiscale (dénonciations obligatoires, plaintes).

En pratique, l’administration fiscale conserve la possibilité de déposer plainte au titre de ce délit ou de dénoncer des faits susceptibles de caractériser ce délit en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale (CPP).

Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 8 du CPP, l'action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise.

Sanctions

Selon qu'il s'agit d'une personne physique ou d'une personne morale, l'auteur du délit est passible :

Pour une personne physique :

  • d’un emprisonnement de 3 ans ;
  • et d’une amende de 250.000 €.
ou, lorsque la mise à disposition est commise en utilisant un service de communication au public en ligne :
  • d’un emprisonnement de 5 ans ;
  • et d’une amende de 500.000 €.

A cela s'ajoute le cas échéant les peines complémentaires prévues à l'article 1741 du CGI et à l'article 1750 du CGI (affichage et diffusion du jugement ; interdiction d'exercer directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une profession libérale, commerciale ou industrielle, ou de diriger, une entreprise ou une société commerciale ; suspension du permis de conduire ; privation des droits civiques, civils et de famille).

Pour une personne morale :

  • une amende de 1.250.000 € (ou de 2.500.000 € en cas d'utilisation d'un service de communication au public en ligne) ;
  • la dissolution ;
  • l'interdiction, définitive ou temporaire, d’exercer l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ;
  • le placement temporaire sous surveillance judiciaire ;
  • la fermeture, définitive ou temporaire, d’établissements ;
  • l'exclusion, définitive ou temporaire, des marchés publics ;
  • l'interdiction, définitive ou temporaire, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;
  • l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
  • et l'interdiction temporaire de percevoir des aides publiques.
Source : BOFIP, actualisation du 28 août 2024.